Abus de droit du bailleur assignant son locataire en procédure collective

Cour d’Appel de Paris, Paris, Pôle 5, Chambre 9, 16 février 2023 n°21/19512

Il peut être tentant pour un bailleur, créancier de son locataire, d’assigner ce dernier en ouverture d’une procédure collective (assignation en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire).

Il est en effet possible pour un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, d’assigner en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire son débiteur (article L 631-5, al. 2 et L640-5, al. 2 du code de commerce) : toutefois, la jurisprudence est stricte sur la question : la créance doit être certaine, liquide et exigible (Cour de cassation, 2 décembre 2014, n°12-20203).

Il n’est toutefois pas nécessaire qu’elle soit assortie d’un titre exécutoire (Cour de Cassation, 28 juin 2017, n°16-10025), même si cela est généralement préconisé.

Aussi, si la créance de loyers est bien certaine et exigible, alors le bailleur peut en principe l’assigner en procédure collective : mais attention aux abus du droit d’agir, c’est ce que nous enseigne cet arrêt de la Cour d’Appel de Paris. Un bailleur ayant assigné son locataire en procédure collective commet un abus de droit puisqu’il était opposé à ce dernier dans de nombreux litiges et qu’il a ainsi tenté de se faire payer des créances en discussion et donc dépourvues de caractère certain et exigible. Le bailleur a ici été condamné au paiement de dommages et intérêts de 30.000 €.

Dans la situation présente, l’assignation en procédure collective n’était qu’une des nombreuses procédures engagées entre les parties au cours des dernières années, mais qui était de nature à porter atteinte à l’existence même de la société, alors que les parties étaient par ailleurs en litige au sujet des indemnités d’éviction et d’occupation.

L’utilisation de cette procédure a constitué donc un abus de la part du bailleur qui tentait de se faire payer des créances en discussion.

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